Prédictive
Historique
La Prédictive trouve ses origines dans un laboratoire de recherche académique de l’Université des Sciences Mathématiques de Tyrse. En 1158, le statisticien Ulvir Nash et son équipe publient une théorie des probabilités révolutionnaire, dont la polyvalence et la robustesse ouvrent rapidement la voie à de nouveaux champs d’applications statistiques. Et très vite, les scientifiques constatent que leur approche autorise le développement d'algorithmes novateurs, théoriquement capables d'agréger un nombre infini de variables contextuelles pour en dégager des tendances très précises. Conscient de l’importance de leur découverte, Nash dépose la même année plusieurs brevets relatifs à la conception et l'exploitation d'algorithmes Prédictifs.
La première preuve de concept des capacités de la Prédictive est établie en 1159, à l'occasion d'une collaboration avec un laboratoire météorologique Egidéen : sur la base de simples relevés atmosphériques, l'algorithme se révèle capable de prédire la météo régionale avec une précision étonnante, et ce sur près de dix jours. Ces essais pilotes attirent l'attention de Macrolab, qui approche les scientifiques, rachète leurs brevets, et offre à Nash la direction d'un Département de Recherche en Statistiques Prédictives (DRSP).
Au cours des trois années qui suivent, Nash et son équipe introduisent progressivement leurs algorithmes dans les logiciels en architecture de réseaux neuronaux de Macrolab, donnant ainsi naissance aux premiers logiciels dits « Prédictifs ». En 1162, des programmes expérimentaux sont mis à la disposition du gouvernement Egidéen et de quelques groupes industriels, qui les éprouvent - avec plus ou moins de succès - sur des problématiques scientifiques, économiques et militaires modérément complexes.
Parallèlement, sous la houlette de Nash, le DSRP développe des algorithmes Prédictifs de plus en plus sophistiqués. Mais ces nouveaux programmes, désormais capables d’agréger simultanément plusieurs dizaines de milliers de variables contextuelles, s'accompagnent de besoins exponentiels en puissance de calcul. Pour y répondre, Macrolab établit en 1163 un partenariat avec la Corporation Oni Katan, qui procure à Nash et son équipe le premier prototype de supercalculateur quantique OVA.
Quelques mois plus tard, grâce à une architecture de 16 OVA montés en série, les chercheurs du DSRP mettent en œuvre une épreuve de benchmarking sans précédent, au cours de laquelle une suite de logiciels Prédictifs agrègent simultanément plusieurs millions de variables collectées depuis le Réseau. L'expérience est un succès : en quelques heures, la Prédictive parvient à dégager les grandes tendances politiques, économiques, sociales et climatiques planétaires. L'épreuve permet même d'anticiper l’arrivée d’une violente tempête tropicale dans l’Est de l’Empire Keshite, sauvant ainsi plusieurs milliers de vies humaines.
Ce coup d'éclat offre à la Prédictive une exposition médiatique sans précédent : Macrolab et Nash font la une des actualités durant plusieurs jours, suscitant un engouement mondial pour les sciences Prédictives. Cet intérêt populaire soudain encourage la Corporation à rapidement développer des logiciels Prédictifs à destination des particuliers, et, début 1167, Macrolab propose ses premières applications grand public.
C'est un succès commercial instantané en même temps qu’une révolution culturelle planétaire.
Prédictive financière
La même année, Kilyos Delhy, le directeur d'Altech - une petite entreprise de microélectronique jusqu'alors méconnue - est le premier à détourner l'usage d'un logiciel Prédictif pour spéculer en bourse. Il parvient ainsi à démultiplier le capital de son entreprise, qui finit par atteindre, en seulement quelques semaines, celui d'une petite Corporation.
Le modèle économique d'Altech fait boule de neige, et, fin 1167, la plupart des entreprises et investisseurs d'Aurilla s'engouffrent dans la Prédictive financière. Mais très vite, les marchés boursiers mondiaux s’emballent : l’essentiel des opérations abandonnent toute logique financière, initiant ainsi un cercle vicieux ou chaque transaction fausse les inférences statistiques sur lesquelles se fondent les suivantes. Le chaos boursier s’installe, des milliers d’entreprises font faillite, des centaines de milliers d’employés sont licenciés et l’économie mondiale vacille.
L'Egide, L'Empire Keshite et la Fédération organisent alors dans l’urgence un sommet à Ségul pour apporter une réponse conjointe à la crise. Quarante-huit heures plus tard, les trois gouvernements signent le célèbre Traité de Régulation des Echanges Intercommunautaires (TREIC) qui interdit depuis l'usage de la Prédictive dans les projections boursières. Les grands groupes démantèlent leur département de Prédictive financière, et en quelques semaines les places boursières retrouvent leur état d’avant-crise.
Pour cette fois, le pire aura été évité.
Depuis leur démocratisation, les algorithmes Prédictifs ont évolué vers plus d'ergonomie, de puissance et de fiabilité dans leurs prédictions. Et ces logiciels ont durablement bouleversé les habitudes et les modes de vie de la population mondiale : de nos jours, n'importe qui peut accéder aux applications Prédictives, n’importe où, n’importe quand, pour anticiper le résultat de presque n’importe quelle question de la vie courante.
Plus qu’un effet de mode, ces programmes sont devenus essentiels au quotidien, à tel point que certains ne prennent désormais plus aucune décision sans consulter la Prédictive. Grâce à elle, les politiciens ajustent en temps réel l’impact de leur programme électoral, les Corporations évaluent précisément les risques d'un investissement, les scientifiques modélisent les résultats d'expériences complexes, les médecins adaptent leurs traitements à leurs patients, les forces de l'ordre découvrent de nouvelles pistes d'enquête, les militaires simulent l'issue d'opérations risquées, et les médias explorent l'horizon des actualités politiques, économiques et sociales.
En 1173, la Prédictive est incontournable, présente partout, tout le temps, pour le meilleur et pour le pire.
La Prédictive au quotidien
Macrolab, qui détient les brevets d'exploitation de la Prédictive pour encore une bonne dizaine d'années, produit finalement très peu de solutions logicielles. Son activité se concentre sur le développement de serveurs et d'algorithmes Prédictifs, qui sont ensuite exploités sous licence par un vaste écosystème d'acteurs économiques contribuant à fournir une offre Prédictive pléthorique.
Les entreprises les plus méconnues - et pourtant indispensables - du secteur sont la constellation de firmes privées spécialisées dans la collecte et le catalogage des données sur lesquelles se fondent les inférences Prédictives. Ces entreprises - aux méthodes et à la réputation parfois sulfureuses - achètent dans le monde entier des données brutes de toutes natures, qu'elles compilent ensuite dans des bases informatiques dont elles facturent l'accès à leurs clients, les fournisseurs de solutions Prédictives.
Ceux-ci constituent la face la plus visible de l'économie de la Prédictive. Leur activité consiste à mettre en relation des algorithmes Prédictifs avec diverses bases de données pour fournir à leur clientèle - particuliers et entreprises - les inférences Prédictives les plus adaptées. Il existe ainsi des milliers de fournisseurs d'accès Prédictifs sur Aurilla, et les plus fiables sont souvent de grandes entreprises reconnues, capables de produire des inférences de qualité, fondées sur des bases de données vérifiées et à jour. En marge de ces grands acteurs, il existe aussi tout un écosystème d'entreprises de tailles plus modestes, occupant souvent des marchés Prédictifs confidentiels, et qui proposent à leurs clients des inférences à bas coût et de qualité très variable.
Enfin, comme tous les secteurs économiques, la Prédictive n'échappe pas à la criminalité, et de nombreux acteurs peu scrupuleux prospèrent en marge de la légalité en exploitant des bases de données obsolètes, incomplètes, ou tout simplement frauduleuses...
Et concrètement ?
Les réponses aux demandes Prédictives les plus courantes sont gratuitement accessibles en ligne, par l'intermédiaire d'une multitude de fournisseurs d'accès se rémunérant par des encarts publicitaires. Ces Prédictions sont en général précalculées, et leur consultation est presque instantanée (2D6 tours). Leur degré de précision, s'il est assez approximatif, reste toutefois largement suffisant pour le grand public. Ces services permettent de répondre à des questions simples et très globales, par exemple en relation avec le climat ("Quels sont les risques d'une météo pluvieuse cet après-midi ?") ou l'état de la circulation ("Combien de temps me faudra-t-il pour rejoindre ma destination ?").
Les demandes spécifiques concernent des Prédictions tenant compte de données d'ordre privé, ou qui intègrent des données publiques inhabituelles ("Quelles sont mes chances d'obtenir cet emploi ?", "...de séduire cette personne ?", "...de guérir avec ce traitement ?"). Ces analyses passent par des fournisseurs de solutions Prédictives spécialisés, qui facturent généralement leurs services entre 10 et 50 ECU par demande. Leur consultation nécessite un temps de calcul de 2D6 minutes.
Il arrive parfois qu'un personnage souhaite explorer une problématique exceptionnelle - à la fois très complexe et très spécifique. Il est alors nécessaire de faire appel à un Prédict, qui est ni plus ni moins qu'un consultant technique capable de développer des solutions Prédictives personnalisées. La plupart des Prédicts exercent en toute légalité pour de grands groupes industriels, des gouvernements, des partis politiques ou des particuliers aisés. Leur activité consiste souvent à explorer les conséquences économiques, politiques ou sociales de grandes décisions stratégiques. Il existe toutefois de nombreux Prédicts exerçant en marge de la société, qui louent leurs services au plus offrant sans se soucier de la nature des missions qui leur sont confiées. Ainsi, il n'est pas rare que des criminels ou des unités de mercenaires fassent appel aux services de ces "Prédicts de l'ombre" pour évaluer les chances de succès d'une opération risquée (braquage, sabotage, exfiltration...) ou pour développer des algorithmes de Prédictive financière, dont l'usage est totalement prohibé depuis la signature du TREIC. Les tarifs des Prédicts, qu'ils soit légaux ou de l'ombre, sont très variables : ils débutent à 500 ECUs par journée de travail, mais peuvent facilement atteindre plusieurs milliers d'ECUs pour des Prédictions extrêmement complexes, risquées ou illégales. Dans tous les cas, ce type de Prédiction nécessite toujours du matériel informatique de pointe et plusieurs jours de travail (2D6 jours ou à l'appréciation du MJ).